Manifestations scientifiques passées


Les déclinaisons de l'aventure

Forgé au Moyen Âge, le terme qui désigne initialement l'impératif éthique de la chevalerie auquel se soumettent les chevaliers des romans courtois. Depuis Chrétien de Troyes, dont les romans évoquent des contrés à la fois idéalisées et merveilleuses des légendes celtiques (« La matière de Bretagne ») et traitent

« d'un conte d'avanture / une mout bele conjointure » (Érec et Énide, prologue), la notion d'aventure est devenu non seulement l'expression de l'accomplissement de l'idéal de la chevalerie mais aussi une stratégie narrative permettant de donner un sens au hasard. Bien que, pour l'homme médiéval, la Providence (cf. E. Köhler) continue veiller sur la destinée individuelle, c'est désormais le « conte » épique qui, notamment dans la littérature allemande, assigne à l'aventiure (mhd) toute sa signification. Avec Li contes del Graal (Perceval ou le conte du Graal), roman resté inachevé, le roman courtois de Chrétien paraît prendre un tournant eschatologique : notamment dans les nombreux romans inspirés par Chrétien - des grands auteurs allemands à Le Morte d'Arthur de Thomas Malory - la quête du graal représente désormais la dernière aventure. En allemand médiéval, le terme âventiure a gagné de l'importance avec le Parzival de Wolfram von Eschenbach où la figure « frou aventiure », une allégorie de la narration, apparaît au narrateur ; par la suite, ce motif se trouvera dans de nombreux romans médiévaux de langue allemande. Chez Gottfried von Straßburg, le rapprochement de l'âventiure personnifié et de Fortuna devient manifeste quand la première tient lieu de gouvernail : « si hæten sich mitalle ergeben an die vil armen stiure, diu das héizet âventiure ». Par ailleurs, l'aventure s'avère étroitement liée à l'amour courtois. Parallèlement aux grands romans, une littérature souvent populaire commence à se rependre qu'on appelle Aventiure- und Minneroman dont le contenu s'éloigne pourtant du roman courtois. Les déclinaisons de l'aventure (avanture, aventiure, aventura, avventura, adventure....) devient donc le pivot de toute la littérature médiévale. Aux grands romans français et allemands se joignent en Ialie le Tristano et en Espagne Amadis de Gaula de Montalvo - pour ne citer que les plus connus. Ainsi, Orlando furioso d'Ariosto peut être entendu comme un épilogue empli d'ironie et de nostalgie : le chevalier Rinaldo se rend dans la forêt calédonienne, dans l'espoir d'y pouvoir renouer avec les actions des vaillants chevaliers de la table ronde.

Or, au seuil de la modernité, les récits appelés « aventures » paraissent primer sur la trame épique au profit des péripéties censées divertir leur public, dans un monde où des nouvelles stratégies militaires et des changements économiques ont définitivement rendu désuète l'image du chevalier, image qui continue à se nourrir d l'époque des croisades, de ces « grandes aventures du monde chrétien, aventures dont l'objet était faux et imaginaires » (Hegel). Bien que, dans les récits d'aventure dans la tradition médiévale, ce soit le fantastique qui prendra le dessus au détriment de toute vraisemblance pour finir par transformer la chevalerie en cet inaccessible rêve engendrant sous la plume de Cervantes la tragédie du « chevalier à la triste figure », le terme « aventure » gagne une nouvelle signification avec l'avènement de l'individu moderne. En tant


qu'entrepreneur, conquérant et colonisateur, l'aventurier devient l'ombre du bourgeois : il assure le progrès, mais s'adonnant à l'inconnu et au risque il ne cesse de mettre en question l'ordre que ses exploits ont rendu possible. En effet, ce n'est pas par hasard que l'aventure est souvent associée à la méthode expérimentale (Michael Nehrlich) ; ainsi, il se transforme en l'image même de l'individu autonome et libre (S. Venayre).

De fait, dans tout discours sur l'aventure s'inscrit un rapport au monde particulier (cf. Lukács, Simmel, Sartre, Jankélevitch) qui détermine ains l'appréhension du temps et de l'espace. Ce dernier apparaît alors le plus souvent sous forme d' « hétérotopie » (Foucault), de « paysage » (E. Straus) ou de

« paratopie » (Mainguenau), tandis que les « chronotopes » (Bakhtine) de l'aventure structurent les grandes épopées non seulement du Moyen Age mais celles de tous les âges et de toutes les cultures - jusqu'à celles 'chevaliers' la postmodernité sur laquelle ironise la chanson « Anything goes » dans Indiana Jones and the Temple of Doom. En fait, le cinéma et la littérature évoquent de nombreuses quêtes du Graal (p.ex. le film Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull de Spielberg, lI pendulo di Foucault du médiéviste Eco ou le thriller The Da Vinci Code de Dan Brown).

Fidèles à l'esprit de notre groupe issu de chercheurs en études médiévales tournés vers le dialogue pluridisciplinaire nous invitons médiévistes, comparatistes et autres chercheurs à interroger avec nous les significations de la notion d'aventure face au crépuscule de la postmodernité.

Le voyage Occident-Orient dans tous ses états

Université Bar-Ilan (25 octobre - 2 novembre 2017)

Tous les chemins mènent à...Jérusalem. Certes, les romeros vont à Rome, les pelegrinos et peregrinos à Saint-Jacques de Compostelle, enfin les hajj à la Mecque. Mais la destination préférée, l'élue, demeure celle qui attire croyants et autres vers la ville éternelle orientale dédiée non pas à une seule mais aux trois religions monothéistes : Juzeus, Crestians e Sarrazis s'y rendent ou y retournent depuis l'Antiquité.

Car tout un chacun rêve d'aller l'année prochaine à Jérusalem, des croisés aux touristes à ceux qui font Alya. Si certains y vont passer quelques jours de fête ou de vacances, d'autres s'y installent pour de bon, pour le meilleur et pour le pire. On y va de son vivant pour y finir ses jours ou mourant pour être enterré en Terre Sainte en attendant la Résurrection, pour laquelle on espère être au premier rang.

Charlemagne avait conclu un accord avec Haroun Al-Rachid garantissant le libre accès aux chrétiens. Trois siècles plus tard, le pape Urbain II lance la première croisade, en 1095 : « Il est urgent que vous marchiez au secours de vos frères qui habitent en Orient ». Dès lors, des vagues de chrétiens, violents ou pieux, aventureux et dévoués, vont déferler sans discontinuer depuis bientôt un nouveau millénaire.

Depuis 1948, Israël ouvre grand ses portes aux visiteurs de tous horizons. Pourquoi se mettre en route de l'Occident vers l'Orient ? Deus vult : Dieu le veut, l'homme aussi. D'Egeria (vers 380) à Chateaubriand (1811), on décrit l'itinéraire à Jérusalem. Notre colloque complétera ces témoignages en découvrant d'autres perspectives sur le voyage en Orient, y compris celles d'artistes comme Gustave Doré ou David Roberts.

Les voies vers le Seigneur sont innombrables. Ce colloque a pour but de recenser autant de chemins de la Croix que possible. Nous accueillerons des contributions portant sur les échanges dans divers domaines, de la culture au commerce, des témoignages de croisés et de pèlerins, des documents touchant la politique, le folklore, la cuisine... Si je t'oublie, Jérusalem...

Le titre du colloque est : "Voyages et itinéraires entre l'Europe et le Proche Orient" - dans tous le sens possibles (rapports commerciaux, littéraires, culturels, politiques, croisades, voyages fictifs etc.)