Université de Picardie-Jules Verne
Unité de recherche TRAME (E.A. 4284)
Textes, représentations, archéologie, autorité et mémoire de l'Antiquité à la Renaissance
Magie, Féerie, Sorcellerie
13, 14 et 15 Mars 2019
Comme le rire, les larmes, l'homosexualité, et quelques autres caractéristiques désignées comme telles, on peut considérer que la magie est le propre de l'homme : personne n'a jamais prétendu voir un animal se livrer à des conjurations afin de modifier l'ordre des choses. Cependant, si la pratique magique est inhérente à l'ensemble des sociétés humaines, ses modalités sont exceptionnellement diverses, en dépit d'un certain nombre d'invariants-au nombre desquels appartiennent la certitude qu'existent des forces ou des pouvoirs capables de court-circuiter les règles de la nature, et la conviction qu'un certain nombre d'hommes et de femmes sont capables de les maîtriser ou de les manier.
Il se trouve que dans le monde occidental, la religion officielle que fut le christianisme pendant plus d'un millénaire a initié deux développements parallèles à partir du tronc commun magique : la sorcellerie, d'une part, inévitablement liée à la figure du Diable et à la hantise de l'hérésie, et la féerie, de l'autre, sorte de tentative à demi réussie pour ouvrir une porte de sortie autre que démoniaque au personnel surnaturel hérité du monde antique et polythéiste.
Pendant quelques siècles, entre le XIIe et le XVe, une sorte d'équilibre s'est créé, entre une magie savante pratiquée par des clercs à la pointe du progrès, une magie populaire, perçue vaguement comme répréhensible et sans doute démoniaque, mais en définitive trop commune et naturelle pour être effectivement condamnée, et une croyance tacite, en partie absorbée, ou reconduite, par l'imaginaire littéraire, en un univers parallèle peuplée de créatures plus ou moins semblables aux humains et dotées de pouvoirs merveilleux.
Mais cette harmonie douteuse se rompt à partir de la fin du XVe siècle, pour des raisons que l'on n'est jamais vraiment parvenu à élucider en dépit des multiples théories avancées : alors même que ce que l'on appelle LA « Renaissance » en oubliant qu'il y en a déjà eu au moins deux voit le triomphe de la magie savante, la chasse aux sorcières se déclenche avec une virulence redoutable dans les régions les plus instables de l'Europe, balayant avec elles le monde de Féerie identifié de façon simpliste au royaume des démons.
La fin du monde ne s'étant décidément pas produite, le temps des bûchers finit par passer, et le plus grand danger qui menace désormais les praticiens de l'art d'ingremance, c'est le scepticisme des Lumières, qui range dans le même panier la foi en Dieu ou en ses saints, l'adoration du Diable, les « contes de fées » vains et plaisants, et les croyances de tout poil en un univers surnaturel où les règles communes ne s'exercent plus. « Désenchantement du monde » plus radical peut-être que celui que prône Martin Luther.
La magie fait retour cependant, comme elle l'a toujours fait : sous le masque des sciences nouvelles dont s'entichent le XVIIIe et encore, à sa façon, le XIXe siècle, sous la défroque de la sorcellerie populaire enracinée dans un monde rural où rares sont les villages qui n'ont pas leur famille de sorciers héréditaires en possession de leur grimoire, derrière les silhouettes de l'extra-terrestre ou du mutant qui remplacent la fée. En attendant son essor foudroyant à la fin du XXe siècle, quand la quête existentielle se joint à l'aspiration à une spiritualité « alternative » et au goût pour la littérature « de l'imaginaire » pour réactiver le continuum magique-de l'Âge d'Aquarius à Harry Potter.
Nous invitons les contributions de tous horizons, du champ littéraire à l'histoire de la magie, en passant par les arts, les sciences, l'histoire ou les sciences sociales, de l'époque carolingienne au XXIe siècle.
Proposez svp votre sujet le plus tôt possible, avant le 15 septembre 2018, à Danielle Buschinger 56 rue de l'Arbre Sec 75001 Paris dbuschinger@gmail.com